____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

  Vagabungo  |    Historique des oeuvres    |    Hommage de Magali à son frère Philippe    |    Hommage de Danielle à son frère Philippe
   
  Vagabundo
  Hommage de Magali à son frère Philippe Kummer
   
 

! En Espagnol, cette langue qu'il célébrait en la chantant !

Sachant tout juste parler, Philippe annonçait déjà, à qui voulait l'entendre son fameux « Quand je serai grand, je serai Roi d'Espagne ! »
Bourré de rêves et de projets dès la plus tendre enfance, Philippe parvenait à nous communiquer son enthousiasme. Il savait nous encourager à partager son imaginaire.
Un imaginaire débordant, si riche, si complexe, si intensément vécu qu'il finissait souvent lui-même dans des débordements.
Que de voyages en avion, tapis sous nos couvertures dans des lits parallèles, à un mètre d'écart ! « Magali, on joue à l'avion ? » chuchotait-il dès l'extinction des feux décrétée par notre Père. On faisait alors des « vols de nuit » à faire pâlir d'envie Saint-Exupéry !

La lecture était une passion commune où son âme d'aventurier fourbissait ses armes et ses envies. Philippe ne lisait pas un livre, de son propre aveu, il en « butait un » la nuit  pour soigner ses insomnies. Mais cette rapidité ne détériorait pas sa qualité de lecteur attentif, il pouvait vous parler de son dernier livre durant des heures devant une file de théières bien remplies, en philosophant sur l'Homme, le Monde et la Vie, de préférence la nuit.
Etudiant en littérature et philosophie à l'université de Genève, après avoir décroché son diplôme de maturité par Jury Central, Philippe suivait avec assiduité les cours de Michel Butor, connu parmi les maîtres du Nouveau Roman. Comme il s'était endormi en plein auditoire, ce professeur avait poussé la bienveillance jusqu ‘à inviter les étudiants actifs à se ranger tous du même côté pour ne pas « réveiller Philippe » avec son micro !

Philippe ne se permettait pas de juger les autres. Conscient de ses défauts et de ses manques, il plongeait plus volontiers dans son propre questionnement, jusqu'à l'angoisse.  Malgré sa verve, son art de la formule, sa capacité d'analyse et ses traits d'esprit, son regard se posait toujours bienveillant sur tous ceux qu'il rencontrait. Joueur de flûte à ses débuts de musicien en herbe, Philippe nous accompagnait fièrement dans nos chants, Danièle et moi, moments de bonheur réguliers dans la chambre des filles, dans cette famille où on adore encore chanter, où il n'y a pas de fête sans guitare et sans chant.

Philippe a ensuite choisi la guitare, nettement plus indiquée pour draguer, et là avec un talent qui ne s'est jamais démenti. Ne se fiant qu'à son excellente oreille, sans grand intérêt ni passion pour le solfège, il s'est rapidement construit un répertoire, Polnareff, d'abord, comme tout le monde, puis Joan Baez et Bob Dylan, en passant par Hughes Aufray, le folklore celtique, celui des Andes et plus tard, les textes de Michel Bühler !

Petite sœur d'un grand frère protecteur et généreux, je l'accompagnais souvent adolescente, dans son groupe de copains, épris de Folk-Song, dans ces chalets ou autour de ces feux où l'on faisait la fête, avec chants, guitares, guimbardes et banjos. Jusqu'à sillonner la Suisse romande en auto-stop pour des concerts folk ou à filer grâce à Inter-Rails avec Philippe et ses copains au festival Folk de Cambridge puis poursuivre mon premier grand voyage seule avec une de ses meilleures amies, en Irlande et en Ecosse ! En excellent grand frère, il accélérait l'ouverture de mes horizons !

Petite sœur aussi de ce grand frère indiscipliné , auteur ou instigateur d'innombrables bêtises, je l'écoutais et lui donnais mon avis quand il était dans le pétrin pour le ramener vers plus de sagesse et de rigueur !
Car même si Philippe ne se conformait à aucun code, la sagesse aussi le faisait rêver ! «  Ami des chevaux » suivant son prénom, il se voulait aussi « Ami de la sagesse », philosophe  !
Attachant, large d'esprit, capable d'une énergie à soulever des montagnes, quel surmoi aurait été capable d'endiguer sa vitalité, son appétit de vivre et d'éprouver chaque chose par lui-même ? Qui pouvait contrecarrer son terrible goût du risque ?

J'ai lu sur un mur, dans ma commune, ce tag qui me fait penser à Philippe : « Les conneries, on finit toujours par les payer ! Je viens de recevoir la facture ».
Et la facture a été lourde, lourde et salutaire !
Philippe s'en est acquitté, jetant ses rêves de grand large dans des cours de français dispensés à des Espagnols et des Latinos, qui lui ont appris leur langue dans un excellent échange des savoirs. Ces compagnons de transition, comme ses amis de toujours, ont sans doute pu comprendre le sens de fraternité dont Philippe était capable.

Vivant entre ses peurs et ses désirs, comme chacun de nous, les coups du ciel et les mauvaises années ne foudroyaient pas que ses bateaux, même si Philippe savait transformer ses échecs et ses chagrins en opportunité pour devenir plus fort.

Fort, très fort malgré ses manques et ses faiblesses , pour revenir à l'essentiel dans sa nature profonde.
Celles et ceux que Philippe a aimés, en commençant par Sébastien, son fils à qui il tenait vraiment, savent sans doute que son amour était inconditionnel et que sa tendresse leur était définitivement acquise.

VAGABUNDO oui, mais avec amour , bienveillance et tendresse !